New York, février 1961. Une soixantaine d’activistes interrompent une séance du Conseil de sécurité de l’ONU. Aux côtés de la chanteuse Abbey Lincoln, de l’écrivaine Maya Angelou, du batteur Max Roach, ils crient leur révolte devant l’assassinat arbitraire de Patrice Lumumba. Un documentaire multirécompensé et nommé aux Oscars.
Bande-annonce
Ce documentaire mixe prodigieusement l’histoire du sabotage de la décolonisation au Congo – autour de l’assassinat politique de Patrice Lumumba – avec ses résonances dans le jazz des années 1960. Le montage subtil et percutant, à l’esthétique soignée et inspirée des pochettes des albums de jazz des années 60, intègre la bande-son musicale dans le récit. La sélection rigoureuse, dense et pointue d’images et de sons d’archives offre une narration précise et incroyablement documentée de cette histoire tragique.
Diffusion sur Arte Jeudi 26 juin 2025 à 23.20. À voir sur arte.tv et ci-dessous jusqu’au 29 juin 2025
Voir le documentaire Bande-son pour un coup d’état
Présentation par Arte
New York, février 1961. Une soixantaine d’activistes interrompent, aux cris d’ »assassins ! », « meneurs d’esclaves ! », « enfoirés racistes ! », une séance du Conseil de sécurité de l’ONU. Aux côtés de la chanteuse Abbey Lincoln, de l’écrivaine Maya Angelou, du batteur Max Roach, ils crient leur révolte devant l’assassinat arbitraire de Patrice Lumumba.
Petit retour quelques mois en arrière : alors que ce jeune leader congolais a arraché à la Belgique l’indépendance de son pays, proclamée le 30 juin 1960, les Nations unies, elles, tanguent face à un afflux de nouveaux membres – seize pays africains, fraîchement décolonisés et décidés à se faire entendre. L’équilibre des votes, traditionnellement en faveur des pays occidentaux, menace de basculer à l’avantage de ce que l’on n’appelle pas encore le « Sud global ». Les États-Unis et le royaume belge craignent aussi de voir le sous-sol congolais, qui regorge de minerais stratégiques, tomber aux mains des Africains ou, pire en ces temps de guerre froide, de la Russie de Nikita Khrouchtchev.
Quelques mois avant le meurtre de Lumumba, le gouvernement d’Eisenhower a « pris commande » de la tournée africaine d’un de ses meilleurs « ambassadeurs du jazz », Louis Armstrong. Celui-ci ignore que sa venue triomphale a pour but de détourner l’attention du coup d’État qui se déroule au Congo, fomenté par la Belgique et la CIA alors que l’ONU ferme les yeux.
Indépendance volée
S’affranchissant de la chronologie, le film opte pour la libre association d’idées et raconte la poignée d’années effervescentes qui virent les anciens pays colonisés s’affirmer et se rapprocher, espoir d’un nouvel ordre mondial vite douché par le cynisme occidental et les barbouzeries de la CIA.
D’une grande beauté formelle (citations sur fond noir, élégance des images, ironie du montage alterné), le film enchaîne avec un tempo parfait ses incandescentes archives. Il s’appuie, entre autres, sur les mémoires audio de Khrouchtchev, celles, lues à voix haute, d’Andrée Blouin, militante anticolonialiste africaine qui fut une conseillère de Patrice Lumumba, du diplomate irlandais et enfant terrible Conor Cruise O’Brien, sans oublier d’ahurissantes séquences diplomatiques (notamment celle où le roi Baudoin s’étonne que le jeune architecte de l’indépendance du Congo fasse un discours le jour où celle-ci est proclamée).
Seul interviewé, l’écrivain congolais In Koli Jean Bofane relie le sort actuel de son pays, toujours déchiré par la guerre civile, à cette indépendance volée soixante-cinq ans plus tôt.
Cœur battant du film, la bande-son, somptueuse, renoue avec l’époque fiévreuse où jazz et politique étaient indissociables, de l’explosion du bebop aux explorations du free jazz. La performance chantée d’Abbey Lincoln, le blues ample de Nina Simone, les fulgurances de Max Roach font écho avec éloquence aux iniquités de leur temps. Instrumentalisé par la CIA, le jazz, par nature libre et protestataire, finit par ruer dans les brancards, comme l’illustrent les volte-face de Louis Armstrong et de Dizzy Gillespie. Enrôlés dans de manipulatrices tournées dictées par le soft power, ils finirent par envoyer le pouvoir américain « au diable ».
Bande-son pour un coup d’Etat (Soundtrack to a coup d’Etat). Documentaire de Johan Grimonprez (Belgique/France/Pays-Bas, 2024, 2h10mn)
Nommé aux Oscars 2025
Grand Prix du documentaire musical au FIPADOC 2025
Grand Jury Documentary Award Special Mention – Movies that Matter Festival 2024
Best Film Documentary Competition – Sofia International Film Festival 2024
Winner World Cinema Documentary Special Jury Award for Cinematic Innovation – Sundance Film Festival 2024
Best Belgian Documentary Jury Award – Docville 2024
Fischer « Peter Wintonick » Audience Award for International Film over 50’ – Thessaloniki international Documentary Festival